Histoire du coton

CAHIER DU TEXTILE

Histoire du coton

L’histoire du coton est fascinante. Intrinsèquement lié à l’humain, à la technologie et à l’économie, cette fibre textile est incontournable.

Histoire du coton
Gossypium.

T-shirt, denim, linge de maison, le coton, occupe une place prépondérante dans l’histoire économique, sociale et culturelle de l’humanité. Depuis sa découverte et ses premières utilisations, en passant par son rôle central dans l’industrialisation, l’histoire du coton illustre les complexités et les paradoxes d’une fibre végétale devenu pilier d’une économie mondialisée.

La plante

Le coton (Gossypium sp.) est une plante appartenant à la famille des Malvacées. Originaire de régions tropicales et subtropicales, il existe environ 50 espèces connues, mais seules 4 ont été domestiquées :

  • Gossypium hirsutum (90 % de la production mondiale)
  • Gossypium barbadense (coton égyptien ou Pima)
  • Gossypium arboreum
  • Gossypium herbaceum

Après hybridations naturelles et cultures humaines, ces 4 espèces se sont adaptées au fil du temps à divers environnements.

Le coton est une plante annuelle dans les cultures modernes, mais peut être vivace à l’état sauvage. Il pousse sous climat chaud et ensoleillé et sa plante est très gourmande en eau*.
La plante atteint généralement 1 à 2 mètres de hauteur. Ses feuilles sont palmées, et ses fleurs, qui rappellent les hibiscus, présentent des teintes blanches, jaunes ou rosées. Une fois pollinisées, elles forment des capsules contenant des graines entourées de fibres blanches ou brunes, qui sont la matière première textile.

* environ 7 000 à 10 000 litres pour produire 1 kg de fibres.

Découverte de la fleur et premières utilisations

Les premières traces de l’utilisation du coton remontent à plusieurs millénaires. Des découvertes archéologiques indiquent que le coton était déjà cultivé et tissé en Inde il y a plus de 5 000 ans. En effet, des fragments de tissus en coton ont été retrouvés dans la vallée de l’Indus, attestant de l’ancienneté de cette fibre dans la civilisation humaine. 

Parallèlement, des preuves de l’utilisation du coton ont été mises au jour au Pérou, où des filets à base de fils de coton datés autour de 2 500 av. J.-C. ont été découverts sur le site archéologique de Caral. 

Ces premières utilisations du coton témoignent de sa polyvalence. La fibre de coton, douce et résistante, a rapidement été prisée pour la confection de vêtements et d’autres textiles, jouant un rôle essentiel dans les échanges commerciaux entre les civilisations anciennes.

La mode des « indiennes« 

De la Mésopotamie à l’Égypte, puis jusqu’en Espagne, des traces de commerce de tissus de coton apparaissent dès les premiers siècles de notre ère. Parallèlement, l’Asie développe sa production et perfectionne ses techniques de tissage. Petit à petit, les produits de cette région connaissent un essor notable à la Renaissance, marquant une étape clé dans la diffusion des textiles en coton.

Au XVIIe siècle, l’Europe se prend de passion pour les tissus de coton venus d’Inde, qu’ils appellent « Indiennes ». L’engouement est tel qu’une loi est promulguée pour les interdire.
En effet, en 1686, sous le règne de Louis XIV, un édit royal interdit, l’importation, la fabrication et le port des toiles de coton imprimées, connues sous le nom d’« indiennes » . Cette mesure visait à protéger les industries nationales de la soie, de la laine, du lin et du chanvre, menacées par la popularité croissante de ces étoffes légères et colorées importées d’Orient.

Malgré cette interdiction, la demande pour les indiennes persista, alimentant un commerce clandestin et une production illicite. Des artisans huguenots, fuyant les persécutions religieuses, s’exilèrent notamment en Suisse, où ils établirent des manufactures produisant ces tissus, qu’ils réintroduisaient ensuite en contrebande en France.

Cette prohibition resta en vigueur jusqu’en 1759, date à laquelle elle fut levée, permettant ainsi le développement officiel de la production des indiennes en France.

Usine de coton Lincoln, Evansville, Indiana - 1908. Photographe: Lewis Hine.
Usine de coton Lincoln, Evansville, Indiana – 1908. Photo: Lewis Hine.
Veste en tissu 'indienne' - 1750-1800. MoMu - Musée de la Mode d'Antwerp. Photo by Hugo Maertens
Veste en tissu ‘indienne’ – 1750-1800 – Musée de la Mode d’Antwerp.
Récolte du coton par les esclaves Noirs
Mississippi – 1896.

Le coton et la Traite des Noirs

L’histoire du coton est inextricablement liée à celle de l’esclavage.
Avec l’essor de la demande européenne pour le coton au XVIIIᵉ siècle, les plantations se multiplièrent dans le sud des États-Unis, en Amérique latine et dans les Caraïbes, reposant largement sur le travail forcé des esclaves africains.

La culture du coton devenue intensive, elle nécessitait une main-d’œuvre abondante pour cultiver et récolter les capsules de coton à la main. L’esclavage devint ainsi un pilier de cette économie agricole.

En 1793, l’Américain Eli Whitney inventa une machine à égrener le coton qui révolutionna la production cotonnière aux États-Unis. En augmentant considérablement la productivité, cette innovation fit chuter le coût de la transformation, mais contribua aussi à renforcer la dépendance à l’égard de l’esclavage, car elle entraîna une hausse de la demande en coton brut, nécessitant plus de main-d’oeuvre dans les champs.

Au début du XIXᵉ siècle, les États-Unis produisaient près de 70 % du coton mondial. Cette domination persista jusqu’à la guerre de Sécession. Exploitant des millions d’esclaves sur plusieurs générations, la production de coton des Amériques alimentait l’Europe, où la fibre était transformée grâce aux avancées de la Révolution Industrielle en Angleterre notamment.

La Révolution Industrielle

Dès le XVIIIᵉ siècle, l’augmentation de la demande pour des tissus légers et abordables poussa l’innovation technologique en Europe.
En Angleterre notamment, des inventions majeures mécanisèrent le filage et le tissage, augmentant considérablement la productivité.

  • 1764: James Hargreaves inventa la machine à filer Spinning Jenny .
  • 1775: Richard Arkwright inventa la machine à carder pour transformer le coton brut en fil. 
  • 1793: L’américaine Hannah Wilkinson Slater breveta un type de fil de coton plus robuste et résistant que le lin qui permet de créer des textiles plus durables.
  • 1804: Joseph-Marie Jacquard inventa le métier à tisser Jacquard. Cette innovation révolutionna l’industrie en permettant la production en série de textiles sophistiqués ornés de motifs complexes.

La Révolution industrielle vit alors le nombre d’usines de tissage et de filage se multiplier. La productivité britannique quadrupla entre 1830 et 1845, les prix baissèrent significativement, multipliant ainsi par sept la consommation de coton par habitant en Angleterre.

Cette industrialisation marqua une transition décisive dans l’histoire économique mondiale. Elle établira l’exploitation des colonies productrices de coton au bénéfice des marchés européens via un réseau industriel en pleine expansion et changea profondément l’industrie textile.

Le coton aujourd’hui

Au XXe siècle, la production mondiale de coton explose avec une augmentation de 134 % entre 1961 et 2009 ! Alors que sur la même période, les surfaces cultivées n’augmentent pas, les rendements obtenus sont tout simplement exponentiels. Attribuables, notamment à l’adoption de variétés de coton génétiquement modifiées et à l’utilisation de pesticides, ces rendements soulèvent désormais de nombreuses préoccupations environnementales et sanitaires.

Avec environ 2,5 % des terres cultivées dans le monde, la culture du coton consomme chaque année entre 10 et 16 % des pesticides utilisés globalement. Extrêmement gourmande en eau, elle exerce une pression majeure sur les ressources hydriques et contribue à la pollution des cours d’eau.
Face à cette réalité, l’industrie de la mode, toujours plus avide, amplifie l’impact environnemental de cette fibre millénaire, en faisant du coton un symbole des défis écologiques contemporains.


Selon les estimations, la fabrication d’un seul t-shirt en coton, nécessite 2 700 litres d’eau douce, soit ce qu’une personne boit en 2,5 ans. 


La fast fashion, caractérisée par un renouvellement rapide des collections et des prix bas, encourage une consommation effrénée et le gaspillage, aggravant ainsi l’empreinte écologique de l’industrie textile.

Une traite humaine qui continue

Malgré les progrès de l’humanité et des droits de l’Homme, l’exploitation humaine persiste dans l’industrie du coton.

En Chine, la région du Xinjiang produit 20% du coton mondial. Hors selon de nombreuses enquêtes, cette production reposerait en partie sur le travail forcé des Ouïghours, un peuple majoritairement musulman soumis à une répression systématique. Enrôlés dans des programmes dits de « rééducation », les Ouïghours sont contraints à travailler dans des usines et des champs de coton.

En Afrique de l’Ouest, des pays comme le Burkina Faso sont confrontés aujourd’hui encore à l’exploitation des enfants et au travail forcé dans la production de coton.

L’industrie mondiale de la fast fashion, qui dépend de chaînes d’approvisionnement opaques pour produire des vêtements à bas coûts, profitent de l’exploitation de ces populations pour faire toujours plus de profits.

De nombreuses marques de mode, que nous connaissons tous, continuent de s’approvisionner dans ces pays et participent à perpétuer ces abus.

Heureusement des initiatives émergent pour lutter contre ces formes modernes d’esclavage et mettre en place des réglementations plus strictes, ainsi que des systèmes de vigilance pour une collaboration internationale.

En conclusion

L’histoire du coton est une histoire économique et sociale. Dans les années 1800, sa culture et son commerce ont fortement participé au développement économique et industriel de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
Deux siècles plus tard, son importance n’a pas faiblit. Selon Fashion Network, le marché mondial du coton devrait atteindre 5,59 milliards de dollars, en 2025 et poursuivre sa croissance malgré tous les défis liés à l’environnement qu’il engendre.

Entre innovation, exploitation et quête de progrès, le coton est une part intégrale de notre histoire. Il reflète les dynamiques complexes de l’évolution de nos civilisations. Comprendre cette histoire c’est mieux appréhender la valeur de cette fibre, et porter un autre regard sur chacun de nos vêtements.
Le coton est une fibre exceptionnelle appréciée depuis l’aube de l’humanité. Peut-être pouvons-nous lui construire un avenir plus équitable et plus durable.