
Nous jetons chaque année des tonnes de vieux vêtements et textiles usagés. Mais que se passe-t-il après ? En France comme au Canada, des systèmes sont mis en place pour limiter leur impact environnemental, mais les différences entre les deux pays sont notables. Entre recyclage, lois et filiales de seconde main, suivons le parcours des textiles délaissés.
1. La collecte des vêtements : organisation et acteurs
En France, la collecte des vieux vêtements repose en grande partie sur les associations et un système de bennes disposées un peu partout sur le territoire. Comme Emmaüs, la Croix-Rouge et le Secours Populaire, les associations sont des acteurs majeurs qui mettent à disposition des milliers de points de collecte dans le pays où les citoyens peuvent venir déposer leurs textiles usagés. Avec des entreprises spécialisées et l’éco-organisme Refashion1 (agréé par les pouvoirs publics), ces acteurs organisent et encouragent la collecte, le tri et le recyclage des textiles usagés dans tout le pays.
Au Canada, bien que de nombreux centres de dons et magasins de seconde main existent, il n’y a pas de système national uniforme pour la récolte des vêtements usagés. La prise en charge varie en effet selon les provinces et malgré certains programmes municipaux qui encouragent la récupération, l’absence de réglementation nationale rend le système inégalitaire.
Quoiqu’il en soit, il est important de noter que la majorité des textiles usagés ne sont pas collectés. Alors que la consommation textile (de mauvaise qualité) explose, les points de collecte débordent et le traitement de ces matières est de plus en plus épineux.
En France, on estime que 450 000 tonnes ne sont pas collectés. Au Canada, c’est 1,1 millions de tonnes ! Ces quantités de textiles non récupérés finissent alors enfouis ou incinérés sans être valorisés, ce qui pose un sérieux problème écologique.
note: chiffres de 2021 issus de Gouvernement Canada et du Ministère (français) de la Transition Écologique
2. Le tri et le traitement des vieux vêtements
Après la collecte, les vêtements sont généralement triés en fonction de leur état, de leur composition et de leur qualité. Cette étape est cruciale car elle permet de déterminer ce qu’il sera possible ou non de faire avec les matières récupérées. La diversité des matériaux et la qualité de plus en plus médiocre des textiles obligent souvent à faire le tri à la main.
En France, d’après le Ministère de la Transition Écologique, on peut répartir le tri des vêtements récupérés comme suit:
- 58% sont destinés à être réutilisés; les pièces en bon état sont revendues en friperie, donnés (ou vendus) à des associations caritatives.
- 33% sont destinés à être recyclés, c’est à dire que les vêtements et textiles usagés trop abîmés sont transformés (souvent en chiffons industriels) ou redeviennent des fibres.
- 9 % serviront à la valorisation énergétique sous forme de combustible solide de récupération (CSR).
note: chiffres pour l’année 2021.
Au Canada, les chiffres sont difficiles à établir car il existe peu d’infrastructure pour réaliser la valorisation des déchets textiles. Le tri des textiles est souvent assuré par des organismes privés ou communautaires, comme Certex ou Ekotex, qui donne la priorité à la revente pour la seconde main.

3. Les défis du recyclage textile
En 2025, le recyclage des vêtements présente plusieurs défis. Parce que de plus en plus de textiles sont désormais composés de fibres mixtes (coton-polyester par exemple) ou de fibres issues de la pétrochimie (acrylique), il est techniquement compliqué de séparer les matières mécaniquement ou chimiquement pour pouvoir les réutiliser.
À cette difficulté, s’ajoute le fait que les quantités de textiles produits, achetés puis jetés chaque année sont de plus en plus astronomiques. Le traitement et le recyclage de ces masses de produits demandent donc une logistique de plus en plus complexe et représentent un coût économique lourd.
En France, des entreprises comme Renaissance Textile tentent de développer des solutions innovantes pour le recyclage des fibres.
Au Canada, malheureusement, selon un rapport réalisé par ERM Consultants Canada Ltd2, “[…] le paysage canadien du recyclage des textiles est très limité, la plupart des textiles en fin de vie sont envoyés dans les sites d’enfouissement, envoyés à des organismes de bienfaisance et à des friperies, ou exportés”.
Mais il faut souligner que le centre de recherche Vestechpro soutenu par la ville de Montréal travaille depuis 2021 à développer des solutions de recyclage efficaces avec des équipements qui permettraient de mieux identifier les matériaux et de les « défibrer ».
4. Les réglementations et politiques publiques : une approche différente
La France est en avance en matière de réglementation textile. La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC), adoptée en 2020, interdit la destruction des invendus non alimentaires, et donc des vêtements dans le but de favoriser le don ou le recyclage.
Le 1er Janvier 2025, pour aller plus loin, une nouvelle réglementation issue de cette loi a été promulguée pour interdir aux particuliers de jeter les textiles dans les poubelles classiques. Les vêtements usagés doivent donc impérativement être jetés dans des conteneurs dédiés aux textiles ou apporter dans des points de collecte spécialisés.
Au Canada, les réglementations sur les déchets textiles sont quasi inexistantes au niveau fédéral. Certaines provinces, comme la Colombie-Britannique ou le Québec, commencent à réfléchir des solutions, mais aucunes lois comparables à celles de la France ne sont encore en place.
Qu’en est-il du reste du monde ?
Peu de pays réglementent véritablement la gestion des déchets textiles. Les pays dits du Nord s’en débarrassent en les envoyant à l’étranger. Et Les pays en voie de développement les entassent dans des décharges de plus en plus gigantesques. Même si de nombreuses initiatives privées ou associatives existent au niveau local, il est assez consternant de noter que la plupart des pays n’ont pas de lois nationales pour gérer les déchets la deuxième industrie la plus polluante.
Une réglementation semble cependant marquer des points: la Responsabilité Elargie du Producteur (REP). Adopté par la France, l’Espagne et les Pays-Bas, ce règlement oblige les fabricants de nouveaux produits à prendre en charge la fin de vie de ce qu’ils mettent sur le marché. Pour les entreprises qui fabriquent ou vendent des textiles cela implique de mettre en place des systèmes de collecte, de tri et de recyclage; et d’encourager le réemploi et la réparabilité de leurs produits.
L’Allemagne, le Canada et la Suède discuteraient actuellement de l’adoption d’un tel dispositif pour leur territoire.
5. Quelles solutions pour un avenir plus durable ?
Alors que la consommation de vêtements ne cesse d’augmenter et que la qualité textile diminue, les matières utilisées sont de plus en plus néfastes pour nous et la planète. Face aux enjeux environnementaux que posent la gestion des déchets textiles, les solutions des industriels et des états semblent bien timides.
Alors que faire ?
Les recommandations des diverses études réalisées en France et Canada mettent en avant l’importance du geste citoyen, d’une prise de conscience des fabricants pour la mise en marché de vêtements plus durable et de meilleure qualité, ainsi que de la mise en place d’un système circulaire spécifique à la filière.
Les défis sont colossaux mais les actions existent. Les informations sont accessibles. Quelques pas dans la bonne direction peuvent changer beaucoup de choses.
Notes:
1. Refashion: éco-organisme agréé en France pour la filière des Textiles d’habillement, Linge de maison et Chaussures (TLC). Son rôle principal est de gérer la prévention et la fin de vie des produits textiles mis sur le marché.
2. Rapport « Possibilités de circularité dans les textiles vestimentaires au Canada » – Février 2024